Les utilisateurs (à savoir les occupants, les enseignes, les locataires…) sont les premiers impactés par cette crise. Les mesures de confinement ont conduit à la fermeture des commerces dits « non indispensables à la vie de la Nation » par deux arrêtés des 14 et 15 mars 2020. La majorité des commerces n’ont pu ouvrir, n’avaient pas la pleine jouissance de leurs locaux et par conséquent, ont généré aucun chiffre d’affaires ou peu de revenus (on a pu relever des initiatives de marques sur la gratuité et la continuité des livraisons pour réengager les consommateurs). Ils font face aux charges et loyers de leurs locaux qu’ils doivent honorer. Les charges incompressibles représentent des montants importants. L’arbitrage des utilisateurs les mène à renégocier des contrats voir à discuter le paiement de leurs loyers.1 Le dialogue entre bailleurs et utilisateurs est primordial. Dans un climat se déshumanisant, il est nécessaire que des actes se réalisent afin de maintenir à flot les plus fragiles. L’important est d’avoir un locataire en 2021 et non pas de le contraindre à fermer avant la fin de l’année. Je rejoins le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, encourageant les grands groupes immobiliers à renoncer à la perception pendant trois mois des loyers dus par les TPE. Mais, néanmoins, sont-ils les uniques utilisateurs fragilisés ? La question se pose au regard des récentes actualités d’enseignes. Il est nécessaire d’aller au-delà.
Le déconfinement n’effacera pas les épreuves liées au Covid19. Les commerçants et entrepreneurs n’atteindront pas les niveaux de CA de l’année précédente à court et à moyen terme. Tous sont conscients que la reprise sera longue et partielle. L’attitude des consommateurs évolue et faut s’attendre à des bouleversements, des remises en causes et des défiances : Le Do It Yourself, la volonté de consommer local, la maîtrise de l’achat « drive » … Cette tendance peut être amplifiée. Dans ce cas, nous pourrions observer des ménages bouleversant leur quotidien, requalifiant leur idéal de vie voir même, opérant un déménagement dans les cas les plus extrêmes.
En immobilier d’entreprise, le cycle locatif suit les évolutions macro-économiques. Certains secteurs seront davantage touchés que d’autres, faisant face à une sélectivité des banques, à la réorientation de leurs priorités. Ces dernières occupent une place importante en immobilier car ce sont les financeurs et offrent le « carburant » nécessaire pour produire, lancer et mener un projet de construction ou d’acquisition.
Les investisseurs présenteront une forte aversion pour le risque et chercheront en conséquence des actifs prime et des valeurs solides sur des biens stratégiques. Néanmoins, face à des marchés boursiers volatiles et incertains, il est fort probable que les collectes des sociétés immobilières de gestion se maintiennent à des niveaux satisfaisants. De facto, elles garderont leur volonté d’investir, leurs stratégies d’investissements et continueront à regarder les opportunités qui s’offrent à elles.
Cette crise sanitaire et économique met en avant les fragilités d’un système mondialisé. Les gouvernements et instances mèneront des réflexions sur le modèle social à mener. La relance économique continuera sur des sujets de l’avant Covid19 (numérique, transition énergétique, etc.) et s’amplifiera sur de nouveaux dont la santé et la souveraineté industrielle de la France.
Le confinement a stoppé net un dynamisme immobilier et une progression des volumes de transactions avec des prix globalement orientés vers une hausse. Les perspectives de reprise restent hypothétiques et dépendent de l’évolution de la pandémie. On note des efforts volontaires du gouvernement français et de la BCE (plans de sauvetage sans précédent). Ils nous conduisent à rester optimiste quant à un scénario de progressive reprise en période post-confinement. Néanmoins, la France sera affaiblie par un déficit accru et une dette énorme. Pour dégager des marges de manœuvre et améliorer sa situation, la hausse de l’imposition peut être envisagée par Bercy à terme. Elle apporterait son lot d’effets pervers dont une amplification de l’économie souterraine (déjà importante et estimée à 9,9% du PIB de la France en 2013) et sûrement des théories subversives…
- « Beaumanoir se fâche contre les bailleurs commerciaux » – Ouest-France, publié le le 14/04/2020 à 18h20 ↩︎